J’ai visité en décembre la chapelle qui m’a été désignée. J’aimais bien l’idée de ne pas choisir. Ce sera une rencontre. Rien de précis en tête.
Le sol est ondulant, un chemin en croix mène à son centre où une dalle en losange placée en oblique marque la croisée du transept. Le jour pénètre l’édifice de façon particulière.
Il s’est rapidement imposé à moi une impression. La lumière se répand dans l’espace, elle devient matérielle et se change en flots, rampant sur le sol, comme si toute son énergie se concentrait pour rejaillir en gerbe au centre de la chapelle, empruntant le chemin du dallage. J’ai dessiné pour attraper cette sensation invisible et encore impalpable, pour lui donner corps. Je dessine cette fluidité, et ces lignes d’énergie deviennent d’étranges signes sur mon papier. En relevant la tête, je découvre le groupe sculpté de Saint Apolline et ses bourreaux, son corps oblong en forme d’ogive, vêtu d’une robe orange, attaché et maintenu aux pieds par une corde, ses cheveux tressés empoignés par les deux hommes. Son image fait irruption. Je l’imagine enserrée de la même manière, mais seule et par les flots, comme une Ophélie, ses cheveux flottants entraînés, son corps se mêlant avec l’onde. Des bleus, un orange, un jaune ocre, et ton chair.
Sur le trajet du retour j’écris à un ami cette étrange rencontre, nous évoquons les forces telluriques, les sources sur lesquelles sont construites ces chapelles, puis les druides qui se réunissent en son centre, et Sainte Apolline à laquelle ses bourreaux ont arraché les dents afin qu’elle insulte le nom du christ et qui s’immole par le feu pour mettre fin à son supplice.
Non. L’image se modifie. L’orangé de la Sainte sera dans le jaillissement.
Fait étonnant et étranger à mon process, pendant l’élaboration de cette œuvre monumentale, je savais ce que je devais faire, j’ai eu la sensation de savoir où j’allais et de ne pas y aller seule, je me sentais accompagnée. Quelque part c’est un peu comme si nous étions deux. La chapelle – son énergie singulière- et moi.
Géraldine Guilbaud, 2022 texte extrait du catalogue de l’exposition
L’Art dans les Chapelles 2022 Chapelle Saint-Drédeno, Saint-Gérand
L’art dans les chapelles, est une association qui regroupe 14 communes et deux communautés de communes du Morbihan.
Chaque été depuis 1992 L’art dans les chapelles présente une manifestation estivale d’envergure, issue de la volonté collective de valoriser le patrimoine architectural breton en le faisant dialoguer avec le travail d’artistes contemporains.
Ce festival invite une quinzaine d’artistes par an, dans des chapelles sur le territoire du Pays de Pontivy et de la vallée du Blavet.
Tout au long de l’année, L’art dans les chapelles mène un travail de sensibilisation au patrimoine et à l’art contemporain à travers des actions de médiation à destination du public scolaire, des individuels ou des entreprises. Sont aussi proposées des résidences d’artistes ainsi que des visites d’expositions.